Le journalisme mobile respecte la déontologie professionnelle

Envoyé le 3 février 2017

Les innovations apportent leur lot d’espoirs et de craintes. Le monde de l’information n’échappe pas à cette règle. Profondément bousculé depuis 40 ans par des technologies nouvelles – de l’offset au numérique – il a su réaffirmer ses principes éthiques et déontologiques. Les premières rencontres de la vidéo mobile organisées le jeudi 2 février à Paris par le spécialiste de la transition numérique Samsa.fr l’ont démontré encore une fois.

77 % des Français possèdent un smartphone*. Ils s’en servent notamment pour s’informer. Les médias adaptent donc leur production à ce support. Et de plus en plus, il l’utilisent pour produire de l’information. Le smartphone devient un outil professionnel. Les « journalistes mobiles » – le milieu préfère parler de mobile journalists ou mojo –  ne sont pas des particuliers qui prennent le téléphone qu’ils ont dans la poche pour  faire un reportage. Si leur téléphone est le dernier modèle grand public disponible, il est équipé de logiciels et d’accessoires qui permettent de professionnaliser la capture de l’image, son montage, sa diffusion.
L’ensemble reste léger et permet un journalisme plus proche des gens.  « La barrière de la caméra s’atténue » a expliqué Alexis Delahousse, directeur de la rédaction de BFM Paris , qui incite ses reporters exclusivement équipés de ces téléphones, à être hors champ pour montrer et éviter de se montrer. « C’est moins invasif » , « plus immersif » et Julien Pain rédacteur en chef des magazines nouveaux formats à France Info donne l’exemple d’un reportage sur une nuit avec un sans domicile. Cela permet des sujets plus locaux, traités pour le public immédiatement concerné: « va voir ce que a à dire le boulanger ou le postier » dit à ses journalistes Laurent Keller, le responsable Léman Bleu TV, qui a lancé en 2015 le premier journal télévisé 100 % smartphone . En direct sur les réseaux sociaux ou des sites dédiés, la réactivité de l’audience est forte lors de la retransmission de manifestations ou de réunions publiques (conférences, conseils municipaux, événements politiques ou sportifs etc.) : le public dialogue avec le reporter, pose des questions, suggère des angle de prise de vu. L’application Snapchat  offre des possibilités comparables pour les médias qui s’y investissent et veulent retrouver l’audience des 8,8 millions de français de moins de 25 ans qui l’utilisent chaque jour.

L’info sur smartphone n’échappe pas à la déontologie de l’information

Plusieurs intervenants l’ont répété : sur ces supports, « il faut être un vrai journaliste pour donner une info de qualité« , et donc  « respecter immédiatement les règles déontologiques« . La déontologie n’est pas différente parce qu’on est équipé d’un smartphone et qu’on transmet sur un réseau social. Mais la responsabilité est plus grande. Le journaliste équipé d’un mobile est à la fois le caméraman qui filme, le rédacteur qui commente, le chef d’édition qui valide et le rédacteur en chef qui autorise la diffusion. Une table ronde a rappelé qu’il devait respecter la vie privée, éviter les atteintes à l’ordre public, garder , comme dit le CSA , »le contrôle de l’antenne », c’est-à-dire la maîtrise des contenus qu’il diffuse : pas question de laisser passer à travers son mobile des incitations à la haine ou à la violence. »Avoir les yeux partout est épuisant » a reconnu un des participants à la tribune. Les reporters radios, auxquels il est fait référence pour la légèreté et l’instantanéité, sont de plus en plus accompagné d’un technicien pour les directs ou les actualités chaudes. Et hors tribune, plusieurs intervenants reconnaissait que pour des raisons pratiques et techniques, mais aussi pour maintenir un niveau de qualité sur le fond, mieux valait être deux voire trois si il y a deux mobiles pour mettre en œuvre ce matériel léger. Car on ne peut pas se contenter de l’affirmation rassurante entendue : ce qui ne va pas et qui serait « filmé en urgence –  entendez en direct – est supprimé en replay ». Cela ne devrait tout simplement pas dû être diffusé.
Au final, ces outils , mis en œuvre avec le professionnalisme et les moyens nécessaires, sont une avancée pour la circulation d’une information de qualité. Et une ouverture vers plus de transparence et de démocratie . « On peut confisquer une caméra, a rappelé le journaliste tunisien Adnen  Chaouchi, mais on ne peut pas confisquer des milliers, des centaines de milliers ou des millions de téléphones portables« . P.G.

*lire ici sur les usages du smartphone